TRADUCTION A PARAITRE

 

NINA BELENITSKAIA

Pavlik, ô toi, mon Dieu

traduction Gérard Abensour


Extrait du texte

PROLOGUE

On entend une musique joyeuse, les pionniers qui chantent. Se détachant sur le soleil aveuglant, un mât dressé vers le ciel. Un drapeau rouge est hissé au sommet du mat..

La scène est recouverte d’airelles à baies rouge. Les acteurs foulent aux pieds les baies.. La scène vire peu à peu au rouge.


LE CHEF (tourné vers la salle). Serrez d’un cran vos ceintures ! Redressez la poitrine! Relevez les épaules ! Torchez-vous le nez ! Vos cravates de pionniers, je ne les vois pas. C’est la dernière fois que je vous le dis. Garde à vous ! En avant, direction le drapeau !

(Un roulement de tambour).

Je suis votre nouveau chef. Et voici votre cheftaine. Vous êtes l’élite des pionniers. Nous allons partir en reconnaissance. Le drapeau est déployé. Nous allons connaître le romantisme des pionniers. Et nos chants nous accompagneront en chemin.

LA CHEFTAINE Qui a dit que l’esprit des pionniers de jadis N’est plus aussi hardi ? Qui a dit que les pionniers ont perdu L’enthousiasme guerrier ? Que se sont éteintes les étincelles Qui ont servi à allumer nos premiers feux de camp ? Nous sommes toujours aussi hardis et rapides, Notre voix est sonore et notre œil perçant. Dans les chansons du passé, dans les livres oubliés Nous entamerons une nouvelle année. Les pionniers d’élite Partent au loin en reconnaissance

Le chef et la cheftaine enlèvent leur fourragère et leur cravate de pionniers. Ce sont des jeunes gens d’aujourd’hui.


1 - TANIA. Éteignez, s’il vous plaît, vos téléphones mobiles. Je vais vous montrer quelque chose.

Elle fait un numéro. On entend la sonnerie du téléphone appelé. La sonnerie dure longtemps.

Mon numéro s’inscrit sur son téléphone, et il ne décroche pas. En général je l’appelle depuis un autre téléphone.


2 - TANIA. Cherche un homme d’au moins 45 ans, pour relations durables. Ce que je cherche dans un homme c’est un esprit pondéré. Nous prendrons soin l’un de l’autre, et quand il sera tout à fait vieux, je promets de ne pas l’abandonner, de ne pas l’expédier dans une maison de retraite, de ne pas m’approprier son appartement. Je ne m’intéresse pas à son argent. Je ne m’intéresse pas à sa taille, à son poids et à toutes ses mensurations. Je voudrais qu’il s’intéresse à moi sincèrement, qu’il n’oublie pas mon anniversaire, et qu’il me téléphone souvent. Je veux tellement l’aimer, je veux tellement qu’il me paie de retour. Je serais heureuse si, à la différence de son prédécesseur, il ne me trompait pas avec une autre. Je promets de faire lit à part et de lui faire à manger les jours fériés. Pas sérieux s’abstenir. Cherche papa.


3 - TANIA. C’est moi, Tania. À force de te chercher partout je ne t’ai pas reconnu.

SON PÈRE. Eh bien ! Bonjour

TANIA. Comment ça va ?

SON PÈRE. Pourquoi tu me téléphones ?

TANIA. Pour entendre ta voix.

SON PÈRE. C’est pour me faire des reproches ?

TANIA. Peut-être c’est toi qui te fais des reproches ? Ma voix ne fait que les éveiller.

SON PÈRE. Dans ce cas, au revoir.

TANIA. Attends, attends ! Excuse-moi, je te dérange, mais je n’y arrive pas autrement, est-ce que tu ne pourrais pas être assez aimable pour nous envoyer un petit peu, un tout petit peu d’argent.

SON PÈRE. Je suis au chômage. Tu crois que je les fabrique les billets ? Ou bien tu voudrais que je vende un rein ?

TANIA. Pourquoi un rein ? Et ta montre ?

SON PÈRE. Tu n’as qu’à travailler !

TANIA. Moi ça va, j’ai un travail, mais tu as aussi une fille cadette. Elle est malade et les médecins disent que c’est grave, qu’il lui faut des médicaments. Ça coûte cher ! Et je ne parle même pas du reste, elle grandit, elle ne tient plus dans ses vêtements, ses bras dépassent, elle a besoin d’un sac à dos neuf, l’autre est tout déchiré, sans compter les baskets, le blouson, et puis tous ceux de sa classe ont un game-boy, et tout cela coûte terriblement cher, et puis ce ne serait pas mauvais que ta fille parte en vacances au bord de la mer, et puis la machine à laver le linge est en panne, et la table de la cuisine ne tient plus le coup...

SON PÈRE. Elle a sa mère pour ça.

Le téléphone sonne occupé.

TANIA. Elle n’a pas un père peut-être ? Foutu de père ! Salop de papa. Elle ne t’a pas demandé à naître que je sache. Et pourquoi, salop, je dois moi, qui suis encore étudiante, remplir tes fonctions de salop ? Pourquoi je dois être un père pour ma sœur ? C’est peut-être moi qui l’ai fait venir au monde ? C’est peut-être moi qui ai épousé maman ? Et c’est peut-être moi, le salop qui nous a abandonné toutes les trois ? Pourquoi est-ce moi qui dois me sentir coupable? Coupable pour mon père, moi qui n’y suis strictement pour rien !



 

Personnages

TANIA
SON PERE
PAVLIK
LE CHEF des pionniers
LA CHEFTAINE des pionniers
ZOIA ALEXANDROVNA, institutrice de Pavlik












belenitskaia

Nina Belenitskaia
devant le Teatr.doc Moscou
septembre 2009

 

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